mercredi 24 novembre 2010

l'histoire de Proville-12-Proville : le climat (fin)



E.Delloye  décrit  l’hiver  de 1709
dans ses « Variétés cambrésiennes » page 331 (rapporté par G.Michaut)

LE GRAND HIVER 1709.

« L’an mil sept cens et neuf qu’on appelle communément la chère année ou l’année du grand hyver a été remarquable par une gelée des plus excessive qui dura près de trois mois. La veille des roys il fit une très grande pluie qui continua bien avant dans la nuit.
Le matin, l’on fut bien étonné de voir une gelée très forte. La continuation de cette gelée prognostiquoit beaucoup de misère aux pauvres; elle fit cesser tout à fait le commerce; les gens de mestier ne pouvoient pas travailler; ce n’estoit qu’à force de feu et dans les caves qu’ils pouvoient faire leur travail ordinaire.

Une si grande froidure causa beaucoup de ravages, plusieurs voyageurs moururent dans les chemins; quantité de sentinelles, quoique renouvelées très souvent, ont été trouvées roides mortes à leur poste; une grande partie des arbres fruitiers, principalement les noyers et les vignes, furent exterminés; le gibier en souffrit beaucoup et, c’est étonnant comme le poisson put se conserver dans les étangs et dans les rivières tant elles étoient glacées.

Ici à Cambray, l’Escaut n’avoit de la glace qu’à ses bords parce qu’elle y est assez rapide. Mais à Bouchain et aux tenures de Neuville où elle ne coule pas avec tant de rapidité parce que son lit y est plus large, les glaces étoient si fortes qu’on osoit y passer avec des chariots chargés de foin et autres denrées…

Il tomba cet hiver beaucoup de neige.
Les liseurs d’almanach espéroient à chaque quartier de lune un changement de temps qui seroit favorable, mais ces sortes d’almanachs mentoient encore plus cette année que les autres, le temps étoit toujours opiniâtre, la rigueur du froid ordinaire ne se relâchoit en aucune façon; enfin cet air plus   doux tant attendu d’un chacun arriva le dix huitième jour de Mars; il dégela pour une bonne fois.

Les neiges fondues inondèrent plusieurs endroits. La campagne enfin délivrée de toutes les neiges, les laboureurs faisant une revue de leurs terre s’apperçurent que la racine des graines étoit pourrie.

Les vents avoient comblé les vallées et les chemins creux par une quantité prodigieuse de neige si bien que les grains n’en étoient plus que très peu couverts.
Le soleil du mois de Mars commençant  à  avoir  de la force  faisoit  fondre ce  peu de  neige qui  restoit à  plateterre  et  la  nuit  il regeloit très  vivement, voilà ce qui provoqua la pourriture de tous les grains.

Le bled valoit sur la fin de cette gelée aux environs de quatre florins. Mais quand on fut assuré que tout étoit manqué, il augmenta bientôt et monta à un très haut prix.
 L’orge, l’avoine, les vêches, pois, fèves devinrent le manger ordinaire des pauvres.

Monseigneur François de la Mothe Salignac Fénelon archevêque de Cambray étoit sensiblement touché de la misère commune qui accabloit son peuple. Il fit de très grandes libéralités aux pauvres. La mauvaise nourriture causa plusieurs maladies, entre autres une fièvre pourpouse (rougeole) qui enleva bien du monde.
Le Roy donna du bled pour semer; ceux qui en voulurent prendre n’en ont payé que quatre florins le mencaud.

On sema non seulement du bled nouveau mais aussi du vieux qui ne laissa pas d’être de bon rapport.

Enfin il plut à Dieu de mettre fin à nos maux et de nous envoyer une récolte abondante qui nous aurait fait oublier toutes nos misères si les armées n’avoient pas ravagé tout le Pays.

Le bled vieux a valu jusqu’à 18 florins le mencaud. Le bled nouveau a monté jusqu’à 24 florins. L’orge a été acheté quinze et seize florins la voiture. La pamele dix et onze florins le mencaud. Le florin valait vingt cinq sous (1897). 24 florins 1709 équivaudraient peut-être à 120 F 1897. Le patar égale 1 sou.

Le pain ordinaire de boulanger 20, 22 et 24 patars. On le vendait par morceau à proportion que les pauvres avaient d’argent.
Le pain d’animunition se vendait 9 et 10 patars. Celui du pain d’avoine si mal fabriqué qu’il était presque impossible de le manger  -j’en ai mangé l’espace de deux jours parce que notre provision de bled étant finie nous ne pouvions pas trouver ni bled ni pain ordinaire pour notre argent .



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